Julien Castanié

Portrait

J’ai voulu pour cette présentation créer un dialogue entre le Julien qui sortait de l’école en 2009 et celui d’aujourd’hui en 2017. Pour faciliter le dialogue on les appellera Julien 2009 et Julien 2017.


Julien 2009 : c’est vrai que je vais être illustrateur ?

Julien 2017 : oui tu es illustrateur mais pas seulement. Tu seras aussi comptable, secrétaire, community manager, conférencier, animateur d’atelier pour enfants, commercial et surtout entrepreneur. Être travailleur autonome amène à porter plusieurs casquettes, faire plusieurs métiers en même temps. Tout l’enjeu de ces dernières années a été de me garder une majorité de temps pour la création, d’idées et/ou d’illustrations. Ah oui au fait, tu vivras à Montréal, au Canada. Achète une doudoune !


Julien 2009 : j’en vivrai bien ?

Julien 2017 : merci pour cette question hyper floue et toute relative. Alors je paye mes factures et je vis humblement. Cela vient du fait qu’en tant que travailleur autonome au Canada, je dois grosso modo moi-même me constituer une retraite donc il faut penser à mettre de côté. Et il faut rappeler que c’est un métier précaire (pas de chômage, parfois payé plus de 6 mois après le travail, tarifs souvent sous-évalués de la part des clients…). Je me bats chaque jour pour en vivre décemment et ça marche depuis quelques années. Je suis rigoureux et j’essaye de me diversifier dans ce que je propose (plusieurs styles graphiques, plusieurs supports…). Et surtout depuis deux ou trois ans, je suis mon propre client sur certains projets. J’y reviendrai.

Julien 2009 : peux-tu y revenir tout de suite, je suis curieux !

Julien 2017 : je me suis aperçu que ce que j’aimais le plus, c’était 1) avoir des idées, 2) les gens. Une fois que tu as 100 idées de prêtes et que tu ne peux pas toutes les faire, une solution s’impose à toi : faire des collaborations avec des gens. J’ai proposé des projets à des gens dont j’admire le travail car je sais qu’ils réaliseraient aussi bien voir mieux mes idées. Ça a donné dernièrement le projet de sérigraphies sur des bâtiments de la Ville de Montréal avec mes amies architectes du collectif Marmit. Et une série de posters sérigraphiés inspirée des planches illustrées encyclopédiques avec mon amie Marion Arbona. Je prends beaucoup de plaisir à faire ces collaborations, cela me motive et au final, c’est aussi viable (voir plus) qu’un projet avec un éditeur.


Julien 2009 : comment je vais faire pour avoir des contrats ? Pourquoi on va me choisir moi plutôt qu’un ou une autre ?

Julien 2017 : je me suis apperçu que ce qui faisait souvent la différence, c’est de rencontrer le client/DA. J’ai de très bonnes relations avec certains clients qui sont même devenus des amis (parce que ce sont des gens bien mais aussi parce que nous sommes souvent passionnés tout les deux par l’image). Les premières années, j’ai beaucoup sollicité mais maintenant, la tendance s’est inversée, on vient me voir. Mais cela ne m’empêche pas de me présenter aux structures ou maisons d’éditions à qui je pense pouvoir apporter quelque chose. Et vice versa. Une des clés ces dernières années a été de penser un rapport d’égal à égal avec la maison d’édition/le client/le DA. Nous avons un intérêt mutuel et équitable à travailler ensemble. Quand ce n’est pas le cas, les projets ne se passent pas bien généralement.


Julien 2009 : tu disais que je me suis diversifié. Mais on m’a répété à l’école, aux Gobelins à Paris ou aux Arts décoratifs à Strasbourg dont je viens d’être diplômé d’un Master de didactique visuelle (expliquer et transmettre par l’image) qu’il valait mieux avoir un style unique et défini pour qu’on nous appelle pour cela. Ce n’est pas un handicap de se diversifier ou d’avoir plusieurs styles ?

Julien 2017 : oui je m’en rappelle bien 🙂 En fait, il ne faut pas prendre tout les conseils à la lettre. J’ai fait ce que j’aimais faire, ce que je sentais bien, et ce qui correspondait à mon trait et à mes envies. On peut tout de même reconnaître souvent que c’est « du Julien Castanié » même si mes styles sont parfois différents. Je trouve que cela m’a toujours été favorable d’être capable de faire plusieurs styles et de pouvoir m’adapter à la demande, je dirais même que c’est une force. On m’a déjà approché en me disant : « on vient vers toi car on ne sait pas ce qu’on veut exactement mais on aime que tu sois force de proposition et que tu sois capable de proposer plusieurs styles ». Je me vois autant comme un artisan qu’un artiste. Un petit mélange 🙂

Julien 2009 : je vais écrire un livre un jour ?

Julien 2017 : j’ai fait des fanzines de BD que j’écrivais et illustrais mais écrire un livre que j’illustrerais (ou pas) est quelque chose qui est dans mes projets du moment. Plusieurs idées traînent qui me tiennent à cœur et il est temps de je les réalise.


Julien 2009 : j’aurais illustré (entièrement ou partiellement) combien de livres ?

Julien 2017 : comme le milieu de l’édition n’est pas très payant par rapport au temps investi (sauf quand tu as un gros succès ou que tu as un nom, ce qui ne semble pas être mon cas pour le moment), il me faut travailler sur plusieurs livres par année pour m’en sortir financièrement. J’ai illustré environ 40 livres : des livres documentaires, des albums, et beaucoup de petits romans pour ados ou pré-ados.

Julien 2009 : dis-moi les projets que je dois absolument refuser, que je profite de cette opportunité.

Julien 2017 : pour être honnête, la première année, j’acceptais tout ce qu’on me proposait. Je débutais. Mais je suis désormais membre de la Charte et d’Illustration Québec, j’ai beaucoup appris sur comment négocier, les prix à pratiquer pour en vivre. Maintenant, j’ai la chance de pouvoir choisir les projets qui m’intéressent et je peux refuser les projets mal payés, par éthique et par survie. Survie pour moi et pour l’ensemble de la profession. C’est un peu le paradoxe temporel, tu vas te planter quelques fois et c’est ça qui va te faire changer, c’est comme ça.

Julien 2009 : ok, merci Julien

Julien 2017 : lâche pas, et travaille fort !

Julien 2017 : …Et puis, tant que j’y suis, si j’étais toi, je deviendrais membre de la Charte dès maintenant, t’imagine pas le temps que cela va te faire gagner. Et puis profitons un peu de cette situation… les Golden State Warriors vont être champions NBA en 2017, tu peux parier dessus les yeux fermés 🙂


Site web : julien.castanie.com

Facebook : Julien Castanié Illustration

Instagram : @preums