Claire Mazard

Portrait

Portrait de la « nana à l’ananas »…

…par l’un de ses personnages !

Les amis qui se rendent chez Claire doivent pousser une porte cochère dans la rue très commerçante, monter quelques marches… apparaît soudain, devant eux, une impasse fleurie. Un petit coin de campagne en plein Paris.
L’appartement de Claire, en rez-de-chaussée, est surprenant, un peu atypique, rempli comme un œuf. Les murs de la cuisine sont envahis par les aplats de ses livres (de Je redessinerai le ciel bleu, son premier récit, à Les Compagnons de la lune rouge, en passant par L’Absente, Le Cahier rouge… et les différentes couvertures de L.O.L.A.) Ce n’est pas par autosatisfaction, mais par plaisir d’être publiée, reconnue.

Des plaques émaillées aussi, « NM 36, la Baie d’Along », « Lait pasteurisé à 40 centimes », « Interdiction d’entrer sans bottes »… sans oublier le panneau de signalisation des années 60 représentant la micheline qu’elle regardait passer, enfant, avec ses grands-parents.

Dans la chambre-bureau : des dessins originaux de ceux qui ont illustré ses récits, notamment de Marcelino Truong : Petit printemps Vietnamien, La Onzième nuit… Un peu partout, et ce jusqu’au plafond, des livres, d’auteurs classiques ou de ses amis de littérature jeunesse, des jouets de son enfance, des figurines en plomb, Tintin, Spirou, Le Petit Prince…, des statues d’Afrique, de Nouvelle-Calédonie, de Madagascar, un œuf d’autruche suspendu… Et de nombreuses photos. Des gens qu’elle aime ou d’écrivains qui l’ont accompagnée toute sa vie. Rimbaud, en grand format, au dessus de sa table de travail – qui l’a suivie jusqu’en Martinique où elle a vécu -, Marcel Pagnol, Françoise Sagan, Boris Vian (elle vient de publier un récit lui rendant hommage)…

En face de son appartement : un petit jardin avec un cabanon. Lilas, framboisiers, groseilliers, olivier, laurier-rose… Merles, moineaux, rouges-gorges… et sa tortue, Fantômette. L’été, Claire s’y installe pour écrire. Quand il pleut, elle se réfugie dans le cabanon – à la « Le Corbusier ». Même poésie que dans son appartement : photos, portraits. Toujours Françoise Sagan, Pagnol mais aussi … Jacques Prévert, Frédéric Dard, Jean Giono, Paul Léautaud, Bernard Pivot, Jean Ferrat, Amélie Nothomb, … des tableaux encore, des objets amusants achetés dans des vide-greniers dont elle raffole.

(Le jardin de Claire, vu par Anne-Isabelle Le Touzé)

Dans son petit paradis, Claire se plaît à lire ou écrire. La littérature, l’écriture, depuis l’adolescence, l’ont aidée. Continuent toujours de l’aider à vivre. Comme chez tous les auteurs, on peut déceler en elle une fêlure, un manque. Et elle sait, comme eux, que les mots peuvent sauver. C’est pour cela qu’elle écrit pour les jeunes. Pour leur donner à réfléchir, et à garder l’espoir.

Petite, m’a-t-elle dit, elle s’imaginait plus tard vivant sur un bateau. Alors, elle jouait « au bateau » dans l’ancien abreuvoir en pierre du mas où elle a passé son enfance, dans son lit avant de s’endormir.

Elle aurait aimé être peintre. Maintenant, avec son stylo, dans son cabanon qui lui tient lieu de bateau, elle voyage dans le temps, l’espace, les souvenirs.


(Claire petite, imaginée par Marcelino Truong)

Dans sa collection de citations (qu’elle ne cesse d’accroître depuis l’âge de 17 ans) j’ai retenu celle-ci, de Paul Eluard : « Je conçois quant à moi, que le même sujet et presque les mêmes mots pourraient être repris indéfiniment et occuper toute une vie. »
Claire sculpte indéfiniment ses mots, et les thèmes qui lui sont chers : l’incommunicabilité, la condition de la femme, l’absence… S’il fallait un seul mot pour la définir, je dirais « fidélité ». Aux gens, aux lieux, aux moments. Ce qui ne l’empêche pas de vouloir aller de l’avant.
Adolescente, elle avait adoré que Boris Vian fasse vivre son ami Le Major dans ses livres. Elle aussi rend hommage aux gens qu’elle apprécie en les mettant en scène dans ses récits. Notamment son amie de toujours, devenue la « Commissaire Raczynski », dans la série publiée aux éditions Oskar.
Oui, Claire aime mêler réalité et fiction. Je le sais… puisque la « commissaire Raczynski », c’est moi !

Karine Raczynski pour Claire Mazard et La Charte, janvier 2013