Bilan de mandat pour les écrivain·es et illustrateur·ices : une série d’enterrements de première classe

© Marc Daniau

En 5 ans, l’action publique s’est beaucoup occupée de la situation des artistes-auteurs.
En 5 ans, pourtant, nos droits ont beaucoup reculé et nos gosiers se sont élargis à force d’avaler des couleuvres.
En 5 ans, nous avons assisté à beaucoup d’enterrements.

La publication du rapport Racine, « L’Auteur et l’acte de création », a fait naître de nombreux espoirs au début de l’année 2020.
À peine sorti, il est aussitôt enterré. Pourquoi ? Sans doute trop de vérités. Trop de solutions opérationnelles. Et beaucoup trop de justice.

Un « Plan artistes-auteurs » peu ambitieux est annoncé par le ministère, prévoyant la mise en place d’un « un portail artiste auteur », la création d’un observatoire de la profession, et de quelques autres gadgets.
Les mesures centrales, telle la mise en place d’un véritable statut et d’une représentativité professionnelle, restent lettre morte.
Enterrement de première classe pour ce rapport et ses propositions sensées.

Autre rapport très attendu : celui sur le contrat de commande, confié au CSPLA. Il s’agissait d’étudier les conditions de la rémunération d’un travail commandé par un éditeur. Et oui, on en est encore là. Aujourd’hui un éditeur peut demander à un auteur de travailler pendant des mois pour lui dire non à la fin sans aucun dédommagement. Conclusion de l’étude ?
Enterrement de première classe du contrat de commande.

L’AGESSA qui avait « oublié » d’appeler les cotisations retraites de plus de 190 000 auteurs a passé le relai à l’URSSAF. Un véritable fiasco dans sa mise en œuvre. De nombreux.ses artistes-auteurs et autrices ont été pendant des mois dans l’incapacité d’accéder à leur outil, de calculer, verser ou déclarer leurs revenus, d’ouvrir leurs courriers, d’obtenir des réponses, ou ne serait-ce que d’avoir un interlocuteur au téléphone.
Trois ans après son lancement, la plateforme Artistes-Auteurs de l’URSSAF commence à peine à fonctionner.
Le préjudice subi par les auteurs et autrices privés de leurs droits à la retraite n’est pas toujours pas réparé.
Enterrement de première classe pour l’outil idéal.

Mais qui sont donc les auteurs et les autrices ? Combien sont-ils ? Comment vivent-ils ? Si chaque association d’auteurs connait ses adhérent·es, le ministère de la culture quant à lui, n’est pas capable de mesurer le nombre d’auteurs et autrices en France. Pour construire des données objectives, une grande étude sectorielle sur la littérature jeunesse est confiée au cabinet TMO : une étude filière sur ce secteur aux fortes retombées économiques avec 3 volets. Un volet auteur (réalisé), un volet libraires (réalisé) et volet éditeurs (jamais réalisé).
À ce jour, aucun résultat ni conclusion n’a été publié, nous privant d’informations vitales pour notre profession.
Faut-il conclure à l’enterrement de première classe de l’étude filière et des deniers publics qui ont servi à payer les deux tiers du travail effectué ?

Les conditions de rémunération des auteurs et autrices figuraient au menu d’une négociation professionnelle entre auteur·ices et éditeur·ices, accompagnée par le professeur Sirinelli.
Après 8 mois de discussions laborieuses, la Charte claque la porte. Pourquoi ? On se moque de nous : la rémunération ne sera pas discutée d’ici la fin de la mission, pourtant prolongée jusqu’au 15 février. Le SNE refuse finalement de signer l’accord. Il ne l’est pas encore à ce jour. Le message est clair : malgré la bonne santé du marché du livre, la meilleure répartition de la valeur n’est pas une priorité.
La Charte y a laissé plus de 300 heures de bénévolat.
Enterrement de la perspective, pour les auteurs et autrices, d’être un jour rémunérés équitablement de leur travail ?

© Marc Daniau

Suite à notre départ et s’appuyant sur la mobilisation des autres organisations d’auteur·ices, le ministère de la Culture a pris une décision salutaire : ouvrir un nouveau cycle de discussions entièrement dédié à la rémunération. Une nouvelle chance, peut-être, d’aboutir enfin à une réelle amélioration des conditions de travail des auteurs et autrices ? Suivant cette nouvelle impulsion, nous espérons pouvoir compter sur une réel soutien politique, et une vraie volonté : celle de réduire le déséquilibre structurel des forces entre les auteur·ices et leurs diffuseurs.

À force de maltraitance, c’est la vigueur de la création qu’on ensevelit et les auteurs et les autrices qu’on laisse agoniser.

La Charte des auteurs jeunesse exprime un souhait : celui de voir l’ensemble de ces sujets pris à bras le corps. Nous espérons que la prochaine mandature permettra de réanimer nos espoirs. Les auteurs et autrices ne demandent pas la lune. Comme tous·tes citoyen·nes, ils veulent être payé·es pour leur travail, régler leurs cotisations et impôts sans inquiétude, et bénéficier de leurs droits sociaux.
Assez d’enterrements, nous voulons plus de vitalité et de sécurité pour la création.

© Marc Daniau

Le lien vers le communiqué : https://madmimi.com/p/beeae31/preview

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